La semaine dernière, l'administration du Président Donald Trump a ajouté 80 entreprises, principalement chinoises, à une liste d'entités interdites d'acquérir des technologies américaines pour des raisons de sécurité nationale. Cette décision s'inscrit dans le cadre d'une intensification de la répression contre les sociétés chinoises fournissant des services de cloud computing et des serveurs utilisant des puces américaines.

Les responsables américains ont précisé que ces restrictions visaient à empêcher la Chine de développer des capacités de calcul haute performance, telles que les technologies quantiques, à des fins militaires. Lors du premier mandat du Président Trump, le gouvernement avait déjà interdit à plusieurs entreprises chinoises d'accéder à des puces et d'autres technologies américaines. Par la suite, l'administration Biden a mis en place des restrictions plus larges sur les exportations de puces avancées et d'équipements de fabrication de puces vers la Chine, dans le but de limiter sa capacité à progresser dans l'intelligence artificielle et le calcul haute performance.

Cependant, l’industrie technologique chinoise a trouvé des moyens de contourner ces interdictions, que ce soit en acquérant les puces américaines interdites par des moyens clandestins ou en développant sa technologie d'IA avec des puces de moindre performance qui ne sont pas soumises à des restrictions.

Les contrôles à l'exportation, bien que perméables, pourraient offrir aux États-Unis un certain « temps d'avance » pour faire progresser ses propres technologies d'IA avant que la Chine n’avance dans la fabrication de puces, selon Barath Harithas, chercheur à la Center for Strategic and International Studies spécialisé dans les politiques américaines en matière de puces.

Voici comment certaines institutions chinoises sont parvenues à éviter les interdictions sur les puces :

1. Contrebande de puces
   Les restrictions américaines ont alimenté un réseau de contrebande de marché noir pour les puces les plus avancées de Nvidia. Des contrebandiers ont réussi à introduire des puces interdites en Chine via des intermédiaires situés dans des pays comme la Malaisie, le Japon et Hong Kong. Certains ont même recours à des coursiers humains : un étudiant a été rémunéré 100 dollars pour chaque puce qu'il transportait de Singapour vers la Chine dans ses bagages, a rapporté le Wall Street Journal l'année dernière. Selon des estimations du think tank Center for a New American Security, environ 12 500 puces pourraient entrer en Chine chaque année par le biais de la contrebande.

2. Création de filiales
   Certaines entreprises chinoises figurant sur la liste d'entités des États-Unis ont contourné les interdictions en accédant à des puces via des filiales. Après que le fabricant de serveurs informatique Sugon a été mis sur liste noire en 2019, d'anciens dirigeants ont formé une nouvelle société, Nettrix, qui a vendu des serveurs équipés de puces Nvidia et Intel. Après que le plus grand fabricant de serveurs de Chine, Inspur Group, ait été ajouté à la liste en 2023, ses filiales ont continué d’acheter des puces américaines. Nettrix et six filiales d'Inspur Group ont été ajoutées à la liste en mars.

3. Utilisation de services cloud alimentés par des puces interdites
   Les entreprises chinoises ont également pu accéder à des puces interdites en utilisant des services cloud étrangers basés sur des puces Nvidia avancées. Les services cloud de Google, Microsoft et Amazon ont loué des serveurs à puces Nvidia à des entreprises et universités chinoises, selon des rapports médiatiques. L'administration Biden avait envisagé une restriction ciblant cette vulnérabilité permettant à la Chine d'utiliser des services cloud américains, mais jusqu'à présent, ces services ne sont pas couverts par les contrôles à l'exportation. La règle sur la diffusion de l'IA, proposée dans la dernière semaine de l'administration Biden, visait à restreindre les exportations de puces vers la plupart des pays du monde, en exemptant les principaux alliés américains, tout en réglementant l'utilisation des services cloud américains par des entreprises étrangères.

4. Innovation sans puces interdites
   Les pénuries de puces aux États-Unis ont forcé les entreprises chinoises à innover en matière de développement de l'IA avec des ressources limitées. Le gouvernement chinois a accordé des subventions et des prêts généreux pour aider le secteur des puces à atteindre l'autosuffisance. En janvier, la startup chinoise DeepSeek a fait sensation dans l'industrie mondiale de l'IA en lançant des modèles d'IA qu'elle prétendait avoir formés avec beaucoup moins de puissance de calcul que leurs homologues occidentaux.

Une étude de l'Université de Californie à Berkeley en 2024 a révélé que les contrôles à l'exportation sont moins efficaces que les décideurs ne l'avaient prévu. L'industrie de l'IA en Chine a réussi à construire des technologies avancées en stockant des puces avant qu'elles ne soient interdites et en optimisant des logiciels pour utiliser des puces plus anciennes de manière plus efficace.

La politique actuelle des États-Unis en matière de contrôles à l'exportation est trop centrée sur l'interdiction d'accès aux puces à la pointe de la technologie utilisées pour construire des modèles de langage, a déclaré Ritwik Gupta, l'un des auteurs de l'étude. « Toutes ces puces plus anciennes qui ne sont pas soumises à un contrôle à l'exportation sont constamment utiles pour former des technologies qui restent d’un large bénéfice sociétal pour la Chine », a ajouté Gupta.